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L‘effet des hausses de taux d’intérêt sur les versements hypothécaires

Introduction

Depuis mars 2022, les taux d’intérêt ont augmenté de façon considérable et précipitée après une période de creux historique durant les deux premières années de la pandémie de COVID‑19. Par conséquent, de nombreux emprunteurs hypothécaires doivent déjà acquitter des versements nettement plus élevés, ce que d’autres vivront au moment du renouvellement de leurs prêts. L’ampleur exacte de cette hausse dépendra des modalités de chaque prêt hypothécaire et de l’évolution future des taux d’intérêt.

Afin d’évaluer comment les taux d’intérêt pourraient continuer d’influencer le coût associé au remboursement d’un prêt hypothécaire, nous utilisons des données sur les prêts pour simuler les versements futurs en supposant que les taux évolueront conformément aux attentes des marchés financiers1. Ainsi, il s’agit d’une simulation hypothétique et non d’une prévision.

Nos constatations sont les suivantes :

  • À la fin de novembre 2023, environ 45 % des prêts hypothécaires contractés avant que la Banque du Canada commence à relever son taux directeur (en mars 2022) avaient connu une majoration des versements. D’ici la fin de 2026, pratiquement tous les emprunteurs restants renouvelleront leurs prêts et pourraient, selon la trajectoire des taux d’intérêt, voir leurs versements s’accroître de façon marquée.
  • Les emprunteurs qui ont contracté un prêt hypothécaire en 2021 (creux historique des taux d’intérêt) ou qui ont choisi un prêt hypothécaire à taux variable sont généralement ceux qui, d’ici la fin de 2026, auront subi la plus grande augmentation du montant de leurs versements. Parmi les détenteurs de prêt hypothécaire à taux variable, ceux qui paient par versements fixes et n’ont rien fait pour adoucir le choc de leur augmentation future seront touchés au renouvellement. Pour ce groupe d’emprunteurs, le versement médian devrait s’accroître de 54 % au cours de la période allant de février 2022, juste avant le début des relèvements des taux d’intérêt, et la fin de 2027. Par ailleurs, ceux qui paient par versements variables ont déjà subi une forte augmentation, le versement médian ayant augmenté de 70 % en date de novembre 2023 comparativement à son niveau à la fin de février 2022. Toutefois, au vu des taux d’intérêt attendus par les marchés, les versements de ce groupe d’emprunteurs devraient baisser à partir de la mi-2024.
  • L’effet des hausses de taux d’intérêt sur la capacité de remboursement des détenteurs de prêts hypothécaires dépendra en grande partie de leurs revenus futurs. Sans augmentation de revenus, d’ici la fin de 2027, l’emprunteur médian pourrait devoir allouer à son prêt un montant supplémentaire allant jusqu’à 4 % de ses revenus avant impôt. En revanche, pour certains emprunteurs, la croissance des revenus pourrait atténuer l’effet du relèvement des taux d’intérêt sur le service de la dette.

Il est à noter que notre simulation ne tient pas compte d’éventuels changements dans le comportement des emprunteurs, comme l’accélération des versements ou le transfert du prêt vers un autre produit hypothécaire. Ces changements contribueraient à amoindrir (sans toutefois neutraliser) l’augmentation du montant des versements. C’est pourquoi les résultats de notre simulation doivent être considérés comme une estimation maximale.

L’ensemble de données

Notre simulation se base sur des données de prêt anonymisées, de nature réglementaire, recueillies par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), l’organisme canadien de réglementation du secteur bancaire. Les microdonnées compilées par le BSIF sont celles qui nous donnent le portrait le plus complet pour analyser l’effet des taux d’intérêt sur les versements hypothécaires au Canada, c’est-à-dire pour créer une simulation aussi précise et détaillée que possible. Dans l’ensemble des données ayant servi à la simulation, nous observons chaque prêt hypothécaire au moment où il est octroyé (que ce soit pour un nouvel achat ou pour un refinancement) ainsi qu’au renouvellement. Au total, ce sont environ 16 millions d’observations sur les prêts qui ont été regroupées depuis 2014. Voici quelques précisions importantes concernant cet ensemble de données :

  • Il inclut les activités de prêt hypothécaire de prêteurs sous régime fédéral, y compris les six grandes banques canadiennes et d’autres banques plus petites. Les prêts hypothécaires consentis par d’autres types de prêteurs, comme les coopératives de crédit et les sociétés de financement hypothécaire, sont généralement exclus de cet ensemble de données parce qu’ils ne sont pas réglementés par le BSIF2. De fait, notre ensemble de données représente environ 80 % du marché total des prêts hypothécaires.
  • Il comprend diverses caractéristiques relatives aux prêts et aux emprunteurs, notamment3 :
    • le taux d’intérêt initial (contractuel)
    • les revenus ayant servi à déterminer l’admissibilité au prêt lors de la demande
    • le montant du prêt
    • la période d’amortissement prévue au contrat
    • le terme du prêt
    • le type de taux d’intérêt (fixe ou variable)4
  • Il s’agit d’un ensemble de données liées aux « flux » des prêts hypothécaires, c’est-à-dire que chaque prêt n’y figure qu’à l’octroi initial, au refinancement ou au renouvellement. Entre ces événements, nous simulons le calendrier de versements de chaque prêt5.

L’exercice de simulation

Pour chaque prêt hypothécaire inclus dans notre ensemble de données, nous calculons les versements effectués à partir de son octroi, puis nous simulons les versements futurs selon une trajectoire hypothétique des taux d’intérêt. Nous formulons cette hypothèse en combinant les données de taux hypothécaires antérieurs et les attentes des marchés financiers à l’égard du taux directeur et des taux des obligations d’État. Comme l’illustre le graphique 1, à la mi-décembre 2023, les différents acteurs des marchés financiers s’attendaient à ce que le taux directeur ait atteint son sommet à la fin de 2023 pour ensuite se maintenir au-dessus de la moyenne observée durant les années qui ont précédé la pandémie. Nous utilisons cette trajectoire hypothétique comme base de référence pour simuler l’augmentation de taux qui s’appliquera à chaque prêt hypothécaire6.

Graphique 1 : Les participants aux marchés financiers s’attendent à ce que les taux d’intérêt restent plus élevés qu’avant la pandémie de COVID-19

Ensuite, nous tenons compte de différents calendriers de remboursement selon le type de prêt.

  • Prêts à taux fixe : Les versements hypothécaires restent inchangés pendant le terme du prêt. Les montants affectés au capital et aux intérêts évoluent selon un calendrier d’amortissement régulier. Au renouvellement, le taux d’intérêt est mis à jour et le montant des versements est recalculé.
  • Prêts à taux et versements variables : Le taux d’intérêt est mis à jour chaque mois après les changements de taux préférentiel, qu’on suppose alignés sur ceux du taux directeur. Le solde à rembourser et les versements hypothécaires sont recalculés chaque mois également, selon le taux d’intérêt mis à jour et la période d’amortissement restante.
  • Prêts à taux variable et à versements fixes : Le taux d’intérêt et la partie du versement hypothécaire affectée aux intérêts sont mis à jour chaque mois selon les changements apportés au taux préférentiel. Cependant, le montant des versements hypothécaires en soi reste le même tant que le prêt n’atteint pas son point de bascule (voir l’encadré 1). Au renouvellement, les mensualités sont recalculées pour que le prêt hypothécaire retrouve son calendrier d’amortissement initial7.

Nous supposons qu’à son terme, chaque prêt est renouvelé par le même type de produit (p. ex., l’emprunteur qui a un prêt à taux variable choisit encore le taux variable)8. Nous supposons aussi que les emprunteurs n’apportent aucun autre changement, par exemple en refinançant leur prêt ou en effectuant des remboursements anticipés. Dans l’ensemble, ces hypothèses nous amènent vraisemblablement à surestimer le montant des versements au renouvellement, puisque certains emprunteurs poseront des gestes pour adoucir le choc d’une future augmentation de leurs versements.

Encadré 1 : Les prêts hypothécaires à taux variable et versements fixes

Encadré 1 : Les prêts hypothécaires à taux variable et versements fixes

Au Canada, les prêts hypothécaires à taux variable peuvent être remboursés au moyen de versements variables ou fixes, selon le prêteur. Environ 75 % de ces prêts sont remboursés par versements fixes, ce qui en fait la méthode de paiement la plus courante.

Lorsque le taux préférentiel change, le montant des versements associés aux prêts hypothécaires à taux variable change immédiatement. Dans le cas des prêts à taux variable et à versements fixes, ce n’est que la partie du versement affectée aux intérêts qui change : quand les taux d’intérêt augmentent, le montant total de chaque versement reste le même, mais une plus grande part de celui-ci est affectée aux intérêts.

Comme l’indiquaient Murchison et teNyenhuis (2022), le taux limite est le taux d’intérêt auquel le montant des versements est égal au paiement des intérêts. En effet, en raison des fortes hausses de taux d’intérêt opérées depuis 2022, certains prêts à taux variable et à versements fixes ont atteint ce seuil, à partir duquel la totalité d’un versement hypothécaire est affectée au paiement des intérêts (ce qui ne laisse rien pour le remboursement du capital). Nous estimons qu’à la fin de novembre 2023, jusqu’à 80 % de ce type de prêts contractés auprès des prêteurs sous réglementation fédérale avaient atteint leur taux limite. Il s’agit d’une estimation haute basée sur les taux limites prévus par les contrats de prêt. En réalité, bon nombre des emprunteurs concernés ont sans doute évité l’atteinte du taux limite en effectuant des remboursements anticipés ou en convertissant leur prêt en prêt à taux fixe.

Le point de bascule, quant à lui, est déterminé par le prêteur et décrit dans le contrat de prêt hypothécaire. Il s’agit du moment à partir duquel les emprunteurs doivent augmenter leurs versements pour couvrir les intérêts. Certains prêteurs obligent les emprunteurs à le faire dès qu’ils atteignent le taux limite, tandis que d’autres acceptent d’accumuler les intérêts non couverts sur le solde du prêt jusqu’à un certain point. Dans ce dernier cas, le solde du prêt augmente à mesure que les intérêts non couverts s’accumulent; c’est ce qu’on appelle l’amortissement négatif.

Selon les politiques propres aux prêteurs, nous estimons qu’en novembre 2023, pas plus du quart des prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes avaient atteint leur point de bascule et nécessité un ajustement des versements. Même si le taux directeur en vigueur en octobre 2023 était maintenu pendant plusieurs années, la plupart de ces prêts n’atteindraient pas leur point de bascule.

De nombreux prêts à taux variable et à versements fixes sont actuellement en situation d’amortissement négatif; ainsi, leur solde augmente. Contrairement aux contrats à versements variables, où les versements s’ajustent toujours au taux d’intérêt en vigueur, ces prêts nécessiteront une plus forte augmentation des versements au renouvellement pour respecter le calendrier d’amortissement initial. Ils finiront donc par coûter plus cher en intérêts sur toute la durée du prêt9.

Les résultats

Beaucoup d’emprunteurs n’ont toujours pas vu le montant de leurs versements hypothécaires augmenter

Nous estimons que sur l’ensemble des prêts hypothécaires actifs en février 2022, environ 45 % avaient déjà fait l’objet d’une augmentation du montant des versements en date de la fin novembre 2023, et que 80 % en feront l’objet d’ici la fin de 2025 (graphique 2). Ces chiffres ne comprennent pas les prêts hypothécaires octroyés après février 202210.

Graphique 2 : La plupart des emprunteurs hypothécaires n’ont toujours pas vu le montant de leurs versements augmenter

Selon les résultats de la simulation, nous nous attendons à ce que l’augmentation médiane du montant des versements hypothécaires soit relativement grande.

  • Dans notre scénario qui voit les taux d’intérêt évoluer selon les attentes des marchés financiers, la mensualité médiane de l’ensemble des prêts hypothécaires actifs passera de 1 200 $ en février 2022 à 1 600 $ d’ici la fin de 2027, soit une augmentation de 34 % (graphique 3, figure a).
    • Les détenteurs de prêts hypothécaires à taux et à versements variables ressentent immédiatement les effets d’une hausse des taux d’intérêt. Cela dit, si les taux baissent à partir de 2024 conformément aux attentes des marchés financiers, leurs versements se modéreront légèrement d’ici à la fin de 2027.
    • Pour leur part, les détenteurs de prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes continuent d’assumer les mêmes versements pendant un temps (à moins d’atteindre leur point de bascule, tel qu’expliqué dans l’encadré 1). Toutefois, pour que leur calendrier d’amortissement initial soit respecté, l’augmentation de leurs versements au renouvellement sera plus importante. Puisque bon nombre de ces prêts sont censés être renouvelés en 2026 ou en 2027, leur versement médian augmentera abruptement à ce moment pour atteindre 2 190 $ d’ici la fin de 2027, soit 54 % de plus qu’en février 2022.
  • Si nous supposons que les taux hypothécaires resteront à leur niveau d’octobre 2023 plutôt que de suivre les attentes des marchés, les versements augmenteraient encore davantage. Dans ce cas, le versement médian pour l’ensemble des prêts hypothécaires actifs augmenterait de 44 % d’ici la fin de 2027 par rapport à février 2022 (graphique 3, figure b).

Graphique 3 : Le versement médian continuera d’augmenter au fil des renouvellements des prêts hypothécaires

Graphique 3 : Le versement médian continuera d’augmenter au fil des renouvellements des prêts hypothécaires

Mensualité médiane des prêts hypothécaires actifs

Sources : Relevés réglementaires soumis par les banques canadiennes et calculs, estimations et projections de la Banque du Canada
Dernières valeurs du graphique : décembre 2027

Les répercussions sur le service de la dette dépendront de la croissance des revenus

Afin de brosser un portrait plus complet de l’effet des hausses de taux d’intérêt sur les détenteurs de prêts hypothécaires, il faut également tenir compte de l’évolution des revenus. Pour les ménages qui bénéficieront de revenus plus élevés, l’impact ressenti de l’augmentation de leurs versements hypothécaires pourra être moins important. À l’inverse, certains pourraient devoir supporter une augmentation moindre de leurs revenus, voire une diminution, et ainsi avoir de la difficulté à honorer leurs versements.

Afin d’examiner cette question, pour chaque prêt hypothécaire faisant partie de l’échantillon, nous considérons les versements hypothécaires en proportion des revenus avant impôt. Il s’agit d’un indicateur appelé le ratio du service de la dette hypothécaire.

Dans notre ensemble de données, la seule information concernant les revenus est celle que le prêteur a recueillie au moment d’accorder le prêt pour vérifier l’admissibilité de l’emprunteur à celui-ci. Nous devons donc formuler des hypothèses sur la trajectoire future des revenus. Nous considérons ainsi deux scénarios :

  • Aucune croissance des revenus : Dans un premier temps, nous posons l’hypothèse de revenus qui restent identiques entre l’octroi du prêt et son renouvellement. Le ratio médian du service de la dette augmenterait alors de 4 points de pourcentage, passant de 16 % en février 2022 à 20 % à la fin de 2027.
  • Croissance moyenne des revenus : Dans un autre scénario, nous posons l’hypothèse de revenus qui augmentent de 2,4 % par année pour chaque détenteur de prêt hypothécaire faisant partie de l’ensemble de données. Ce taux de croissance correspond à la variation moyenne des salaires horaires recensés par Statistique Canada dans son Enquête sur la population active de janvier 2014 à septembre 2023. Si l’on tient compte de cette simple hypothèse de croissance des revenus, le ratio médian du service de la dette augmenterait de 1,5 point de pourcentage pour tous les types de prêts hypothécaires entre février 2022 et la fin de l’année 202711.

La croissance des revenus atténue l’effet des hausses de taux d’intérêt sur le remboursement des dettes, mais l’augmentation du ratio du service de la dette demeurerait tout de même importante, d’un point de vue historique, étant donné l’ampleur de ces hausses. Bien entendu, les prêts hypothécaires ne sont pas tous touchés de la même façon. L’effet produit dépend du type de prêt et du moment où il a été octroyé :

  • Dans l’ensemble, les prêts hypothécaires octroyés en 2021 (lorsque les taux d’intérêt étaient très bas) et les prêts à taux variables sont ceux dont le renouvellement fera le plus augmenter les coûts du service de la dette par rapport aux coûts initiaux.
  • Les prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes seront notablement plus coûteux, puisque nombre d’entre eux ont maintenant un solde plus élevé en raison de leur amortissement négatif. Par exemple, si l’on tient compte de la croissance moyenne passée des revenus, l’emprunteur médian qui a contracté en 2021 un prêt à taux variable et à versements fixes verra son ratio du service de la dette monter à 22 % au renouvellement, soit une augmentation de 5 points de pourcentage par rapport aux modalités consenties à l’octroi (graphique 4).
  • Sans aucune croissance des revenus, l’effet serait beaucoup plus grand. Le renouvellement d’un prêt à taux variable et à versements fixes contracté en 2021 pourrait alors donner lieu à une augmentation de 8 points de pourcentage par rapport aux modalités consenties à l’octroi.

Graphique 4 : La croissance des revenus limiterait l’augmentation du ratio du service de la dette, sans être suffisante pour compenser les hausses de versements

En vérité, l’effet des hausses de taux d’intérêt sur le service de la dette différera grandement d’un emprunteur à l’autre. Les jeunes propriétaires ont tendance à voir leurs revenus augmenter de façon plus importante que le ménage médian. Cependant, certains emprunteurs peuvent également connaître une diminution de revenus ou vivre une situation personnelle qui entrave leur capacité à honorer leurs obligations d’emprunt. Par ailleurs, les ménages ont vu leur pouvoir d’achat diminuer avec l’augmentation des prix des biens et services. Pour compenser une partie de la hausse du montant des versements, certains emprunteurs pourraient être en mesure de puiser dans leur épargne ou la valeur nette de leur propriété.

Dans l’ensemble, la plupart des emprunteurs devront prévoir des ajustements, parfois significatifs, pour pouvoir continuer de rembourser leur prêt hypothécaire. Néanmoins, l’effet sur la stabilité financière devrait être atténué par les politiques macroprudentielles. Par exemple, en contractant initialement un prêt hypothécaire, la plupart des emprunteurs doivent se soumettre à un test de résistance pour démontrer qu’ils pourront honorer leurs obligations si le taux d’intérêt augmente12. Selon les lignes directrices actuelles, les nouveaux emprunteurs passent ce test en démontrant qu’ils pourraient supporter un taux d’intérêt d’au moins 2 points de pourcentage de plus que le taux prévu par leur contrat de prêt, ce qui devrait leur laisser de la marge pour absorber les hausses de taux ou autres chocs. Cela dit, pour certains emprunteurs, cette marge ne suffira pas à couvrir entièrement le coût des fortes hausses de taux d’intérêt, même en l’absence d’autres chocs comme une baisse de revenus. Nous estimons que le taux médian au renouvellement des prêts hypothécaires contractés en 2020 dépassera de 0,3 point de pourcentage le taux qui avait été utilisé pour le test de résistance de ces prêts. Pour les autres emprunteurs, le taux médian au renouvellement des prêts ne dépasse généralement pas le taux qui avait servi à leur test de résistance.

Conclusion

Dans cette note analytique, nous étudions l’effet des fortes hausses de taux d’intérêt observées depuis mars 2022 sur les versements des prêts hypothécaires.

Nous constatons que la majorité des prêts hypothécaires actifs au début de 2022 n’ont toujours pas été renouvelés à un taux d’intérêt plus élevé, mais qu’ils le seront dans les prochaines années. Dans l’ensemble, la capacité des emprunteurs à honorer leur dette dépendra grandement du montant de leurs versements hypothécaires par rapport à leurs revenus disponibles.

L’une des grandes conclusions à tirer, c’est que la plupart des détenteurs de prêts hypothécaires ne subiront pas de stress financier important en raison de l’augmentation de leurs versements hypothécaires dans les prochaines années tant que leurs revenus continueront d’augmenter. Toutefois, les emprunteurs qui ont eu de la peine à entrer sur le marché ou qui prévoyaient des baisses de taux avant leur renouvellement risquent de trouver l’ajustement plus difficile. En outre, advenant une grave récession qui causerait du chômage, beaucoup d’emprunteurs pourraient avoir du mal à honorer leurs versements hypothécaires, ce qui pourrait entraîner des pertes de crédit chez les prêteurs qui se trouvent à financer des prêts valant plus que les biens sous-jacents. Cette situation pourrait également resserrer les conditions de crédit; pour les ménages canadiens, il serait alors plus difficile et coûteux d’accéder au crédit.

La Banque continuera de suivre attentivement l’évolution des mesures du service de la dette dans le cadre de son évaluation des risques concernant la stabilité financière.

  1. 1. Cette note complète l’analyse publiée dans l’encadré 1 de la Revue du système financier — 2023 (Banque du Canada, 2023).[]
  2. 2. L’ensemble de données comprend également les prêts hypothécaires vendus aux grandes banques par des sociétés de financement hypothécaires. Les six grandes banques canadiennes sont la Banque de Montréal, la Banque de Nouvelle-Écosse, la Banque Canadienne Impériale de Commerce, la Banque Nationale du Canada, la Banque Royale du Canada et la Banque Toronto-Dominion.[]
  3. 3. Le montant des versements hypothécaires ne fait pas partie des données, mais on peut l’estimer à l’aide d’autres variables qui en font partie et en supposant des versements mensuels dont les intérêts sont composés semestriellement.[]
  4. 4. Les données ne précisent pas si les prêts hypothécaires à taux variable sont remboursés par versements fixes ou variables. Cela dit, puisque les prêteurs n’offrent généralement que l’une des deux options, nous avons attribué aux prêts un type de versements selon le prêteur. Les prêts hypothécaires à taux variable émis par des sociétés de financement hypothécaire, qui sont inclus dans notre ensemble de données lorsqu’ils sont vendus aux grandes banques, sont généralement remboursés par versements variables. Ainsi, tous les taux hypothécaires variables venant de ces sociétés sont associés à des versements variables dans notre simulation.[]
  5. 5. Le BSIF tient maintenant une version bonifiée de cet ensemble de données qui donne un aperçu mensuel de chaque prêt hypothécaire actif (les « stocks » de prêts), tandis que l’ensemble de données original ne comprend que l’information mensuelle relative aux prêts octroyés ou renouvelés (les « flux » de financement hypothécaire). Il est plus facile de suivre les montants exacts des prêts au fil du temps en consultant l’ensemble de données bonifié, qui montre les remboursements anticipés. Ces données seront intégrées à notre simulation dans un avenir rapproché.[]
  6. 6. Le taux d’intérêt de chaque prêt hypothécaire suivra les tendances observées sur le plan des taux hypothécaires moyens jusqu’à la dernière observation, puis il suivra les tendances entourant les attentes des marchés financiers à l’égard du taux de financement à un jour (pour les prêts hypothécaires à taux variable) ou des obligations du gouvernement du Canada (pour les prêts à taux fixe). La prime de risque associée à chaque prêt hypothécaire est prise en compte dans le taux contractuel initial et reste inchangée tout au long de la simulation.[]
  7. 7. Par exemple, si la période d’amortissement est de 30 ans à la souscription du contrat de prêt hypothécaire, à la fin des 5 années correspondant au terme du prêt, le montant des versements sera recalculé sur les 25 années d’amortissement restantes. Notre simulation suppose ainsi que les emprunteurs ne prolongent pas leur période d’amortissement au moment du renouvellement. Il existe un concept distinct, celui de la période d’amortissement réelle, qui désigne le laps de temps théorique nécessaire pour rembourser un prêt hypothécaire en suivant le rythme de paiement déjà en cours. Dans le cas d’un prêt à taux variable et à versements fixes, cette période augmentera automatiquement avec la hausse des taux d’intérêt. Au renouvellement, cependant, la période d’amortissement réelle sera entièrement recalculée en même temps que le montant des versements fixes. Pour en savoir plus, consultez cette page du Bureau du surintendant des institutions financières (2023).[]
  8. 8. Si nous observons dans l’ensemble de données un renouvellement pouvant être lié à une observation antérieure, nous utiliserons la nouvelle observation pour mettre à jour le prêt existant. Ainsi, lorsqu’un emprunteur renouvelle son prêt quelques mois avant son terme ou qu’il effectue des versements anticipés, nous en tenons compte lorsque nous ajoutons la nouvelle observation. Les prêts hypothécaires passés (ceux qui précèdent la date de fin de nos données) sont retirés des stocks constitués lorsqu’ils atteignent leur terme, puisque nous devrions en observer le renouvellement ou le refinancement au plus tard à la fin de leur terme, même si nous ne pouvons pas explicitement faire le lien entre cet événement et les observations antérieures.[]
  9. 9. Par exemple, un prêt à taux variable et à versements fixes octroyé en janvier 2022 dont le prêteur accepte un amortissement négatif coûterait, au bout d’une période d’amortissement de 30 ans, 6 % de plus qu’un prêt à versements variables, si l’on suppose que les taux d’intérêt suivent les attentes des marchés financiers jusqu’à la fin de 2027 et qu’ils demeurent constants par la suite. Pour un prêt de 600 000 $, ce pourcentage représente des frais d’intérêt supplémentaires de 70 000 $ sur toute la durée du prêt.[]
  10. 10. Lorsque les taux d’intérêt ont commencé à augmenter en mars 2022, les prêts à taux variable sont devenus de moins en moins répandus, les nouveaux emprunteurs optant plutôt pour des prêts à taux fixe et à court terme (trois ans, le plus souvent). Ainsi, au moment de leur renouvellement, la plupart des nouveaux prêts hypothécaires feront l’objet d’une augmentation du montant des versements.[]
  11. 11. Le ratio du service de la dette est estimé en proportion des revenus admissibles, qui sont des revenus avant impôt (bruts). Si l’on utilisait plutôt les revenus après impôt (nets), l’augmentation du ratio serait supérieure.[]
  12. 12. Les nouveaux prêts hypothécaires octroyés après juin 2021 doivent respecter les exigences de ratio du service de la dette qui prévoient des versements hypothécaires calculés selon le taux contractuel majoré de 2 points de pourcentage, et au minimum 5,25 %. Les lignes directrices sont semblables pour la plupart des prêts hypothécaires octroyés avant juin 2021. Pour en savoir plus sur les tests de résistance appliqués aux prêts hypothécaires, voir par exemple Banque du Canada (2018) et Bureau du surintendant des institutions financières (2021).[]

Références

Banque du Canada (2018). « Encadré 1 : Les tests de résistance fondés sur les taux hypothécaires », Revue du système financier, juin, p. 6.

Banque du Canada (2023). « Encadré 1 : Les effets des hausses de taux d’intérêt sur les versements hypothécaires », Revue du système financier, mai.

Bureau du surintendant des institutions financières (2021). « Bref historique de la ligne directrice B-20 », 17 décembre.

Bureau du surintendant des institutions financières (2023). « Avis du BSIF : Prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes assortis d’un amortissement prolongé », 13 septembre.

Murchison, S. et M. teNyenhuis (2022). « Prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes : les taux limites sous la loupe », note analytique du personnel 2022-19, Banque du Canada.

Avis d’exonération de responsabilité

Les notes analytiques du personnel de la Banque du Canada sont de brefs articles qui portent sur des sujets liés à la situation économique et financière du moment. Rédigées en toute indépendance du Conseil de direction, elles peuvent étayer ou remettre en question les orientations et idées établies. Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs uniquement. Par conséquent, elles ne traduisent pas forcément le point de vue officiel de la Banque du Canada et n’engagent aucunement cette dernière.

DOI : https://doi.org/10.34989/san-2023-19

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