Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 10 avril 2024.

Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.

Les réunions concernées, présidées par le gouverneur Tiff Macklem, ont débuté le 2 avril. La première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki, le sous-gouverneur Nicolas Vincent et le sous-gouverneur Rhys Mendes y ont participé.

Économie internationale

Le Conseil de direction (le Conseil) a entamé ses discussions en faisant le point sur les perspectives de l’économie mondiale. Les membres s’attendaient à ce que la croissance en 2024 et en 2025 soit plus forte qu’anticipé précédemment, en grande partie à cause de l’économie américaine. Dans la zone euro, la croissance était demeurée timide, mais les membres prévoyaient qu’elle se redresserait progressivement durant l’année. Selon la projection, l’activité économique en Chine serait entravée par la confiance fragile des consommateurs et la faiblesse persistante du secteur immobilier. Les membres étaient d’avis que l’inflation continuerait à baisser graduellement dans la plupart des grandes économies, bien que de façon quelque peu inégale entre les pays.

Les membres ont axé leurs discussions sur l’importante révision à la hausse de la projection de croissance aux États-Unis. Les dépenses de consommation chez nos voisins du Sud avaient maintes fois été plus fortes qu’escompté. Leur vigueur était soutenue par le marché du travail tendu, la richesse accumulée et l’assouplissement des conditions financières. Les membres ont convenu qu’il y avait un risque qu’en 2024, la croissance du PIB américain s’avère de nouveau plus vigoureuse que prévu. La progression marquée des revenus attribuable à la résilience du marché du travail et à l’effet de richesse découlant de la forte augmentation des actions américaines pourrait stimuler la consommation plus qu’anticipé. Les membres ont aussi envisagé la possibilité que les mesures incitatives gouvernementales renforcent encore les investissements et contribuent à ce risque à la hausse. Si la demande intérieure et la progression marquée des salaires ne se modèrent pas, il pourrait être plus difficile de faire baisser l’inflation davantage, particulièrement du côté des services.

Les conditions financières internationales avaient continué à s’assouplir depuis la publication du Rapport sur la politique monétaire de janvier, puisque les perspectives économiques mondiales s’étaient améliorées et que le risque d’une récession avait diminué. Dans la plupart des économies avancées, les marchés boursiers s’étaient encore raffermis, le risque perçu d’une récession par les participants ayant diminué. Les écarts de taux sur les obligations de sociétés s’étaient rétrécis pour s’établir à des niveaux observés pour la dernière fois avant la crise financière mondiale de 2008-2009. Les rendements obligataires avaient augmenté depuis janvier, mais les conditions financières globales s’étaient assouplies. Les prix mondiaux du pétrole étaient environ 5 $ au-dessus des niveaux supposés en janvier, en partie à cause des risques géopolitiques grandissants. L’écart entre les prix du West Texas Intermediate et du Western Canadian Select s’était resserré récemment, à l’approche de la mise en exploitation du réseau agrandi d’oléoducs Trans Mountain.

Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays

Le Conseil a passé en revue l’évolution de l’économie canadienne et les récentes données sur l’inflation. Il s’attendait à ce que la croissance économique se raffermisse au début de 2024, après avoir stagné dans la deuxième moitié de 2023. L’expansion démographique plus forte qu’escompté expliquait en grande partie la révision à la hausse substantielle de la croissance projetée dans la première moitié de cette année.

L’inflation était descendue à 2,8 % en février, et les membres s’attendaient à ce qu’elle demeure autour de 3 % dans la première moitié de 2024, ce qui correspondait à peu près à la prévision présentée dans le Rapport de janvier. Selon eux, l’inflation passerait sous la barre des 2,5 % dans la deuxième moitié de l’année et atteindrait la cible en 2025.

La Banque avait également réévalué la production potentielle et revu à la hausse son estimation pour 2024, en raison de l’accélération de l’expansion démographique. Elle s’attendait à ce que l’économie reste en situation d’offre excédentaire tout au long de l’année, le PIB et la production potentielle progressant à peu près au même rythme en 2024. Elle prévoyait aussi que l’écart de production commencerait à se rétrécir en 2025, à mesure que la croissance du PIB augmenterait légèrement et que celle de la production potentielle ralentirait sous l’effet de l’expansion démographique plus faible en 2025 et en 2026.

Les membres du Conseil ont analysé en détail l’incidence de l’expansion démographique sur leurs perspectives. Ils se sont entendus pour dire que l’augmentation rapide de la population et la baisse future de la proportion des résidents non permanents annoncée par le gouvernement fédéral compliquaient les perspectives de l’activité économique et de l’inflation. Même s’il était prévu que la croissance du PIB par habitant s’accélérerait en 2024, les membres s’attendaient encore à ce que celle-ci soit négative dans la première moitié de l’année. Toutefois, la robustesse des gains démographiques faisant augmenter les dépenses totales, une solide progression globale du PIB était anticipée. Par ailleurs, comme il était prévu que l’expansion démographique ralentisse dans la deuxième moitié de l’année, les membres s’attendaient à ce que les dépenses par habitant s’accroissent à mesure que la confiance des consommateurs s’améliorerait, que les conditions financières s’assoupliraient et que les effets des hausses passées de taux d’intérêt s’estomperaient.

Puisque l’expansion démographique renforce à la fois l’offre et la demande dans l’économie, son impact sur l’inflation variera probablement selon les composantes de l’indice des prix à la consommation (IPC). Les membres ont convenu qu’en raison du déséquilibre entre l’offre et la demande de logements, et du fait qu’il faut du temps pour que l’offre de logements s’accroisse, l’augmentation de la population alimentait les pressions à court terme sur la hausse des frais de logement, dont le loyer et les composantes liées aux prix des logements.

Les membres ont aussi discuté d’autres facteurs qui contribueraient à un rebond de la croissance en 2024 :

  • La vigueur de l’économie américaine faisait augmenter la demande de produits canadiens.
  • Les projets de dépenses des gouvernements provinciaux déposés depuis la parution du Rapport de janvier stimuleraient davantage la croissance à partir du deuxième trimestre de 2024.
  • Les investissements des entreprises, qui avaient été très faibles dans la deuxième moitié de 2023, remonteraient graduellement en 2024, selon la projection.

Le Conseil a noté que les résultats de l’Enquête sur la population active de mars cadraient avec la tendance observée récemment dans les indicateurs du marché du travail :

  • Les gains d’emploi étaient demeurés plus faibles que la croissance de la population en âge de travailler.
  • Le taux de postes vacants était redescendu à des niveaux proches de ceux d’avant la pandémie.
  • Le taux de chômage avait remonté légèrement pour s’établir à 6,1 % en mars, ce qui était un peu plus élevé qu’avant la pandémie.
  • La croissance des salaires avait commencé à montrer des signes de détente et celle de la productivité présentait les premiers signes d’amélioration. La progression des coûts unitaires réels de main-d’œuvre avait ralenti, mais était encore forte. Pour que les niveaux actuels de la croissance des salaires finissent par être compatibles avec l’atteinte de la cible d’inflation de 2 %, il faudrait que la croissance de la productivité augmente de façon importante.

Les membres ont discuté longuement des données récentes sur l’inflation. Ils ont trouvé encourageants les nouveaux progrès du côté de l’inflation mesurée par l’IPC et de l’inflation fondamentale. L’IPC‑tronq et l’IPC‑méd avaient diminué pour s’établir juste au-dessus de 3 % en février. Les mesures de l’inflation sur trois mois avaient aussi baissé sous les taux sur 12 mois, laissant entrevoir un mouvement à la baisse.

Les membres ont examiné les sous-composantes du panier de l’IPC pour mieux évaluer où s’exerçaient encore des pressions inflationnistes.

  • Le rythme d’augmentation des prix des biens hors aliments et énergie avait généralement ralenti pour se situer autour de sa moyenne historique.
  • La hausse des prix des aliments achetés en magasin et de l’énergie s’était aussi modérée pour s’établir à des niveaux plus normaux.
  • Le taux d’augmentation des prix des services hors logement était sous sa moyenne historique depuis le troisième trimestre de 2023, principalement en raison d’une chute marquée des prix des services de communication qui était peu susceptible de se reproduire. Toutefois, si on exclut les prix des services de communication, l’ampleur des pressions sur les prix des services était perçue comme un risque à la hausse pesant sur l’inflation, compte tenu surtout de l’incertitude entourant le profil futur de la croissance des salaires.
  • L’augmentation des frais de logement demeurait le facteur contribuant le plus à l’inflation mesurée par l’IPC.

Dans l’ensemble, les membres du Conseil se sont dits convaincus que leurs perspectives d’inflation étaient raisonnablement équilibrées, puisqu’ils s’attendaient à ce que les mesures de l’inflation fondamentale continuent à diminuer graduellement. Mais, compte tenu des prix mondiaux du pétrole plus élevés, ils anticipaient que l’inflation mesurée par l’IPC global varierait autour de 3 % au cours des mois suivants, avant de descendre sous la barre des 2,5 % dans la deuxième moitié de l’année.

Considérations pour la politique monétaire

Les membres ont poursuivi leurs discussions des réunions précédentes à propos des conditions qu’ils devaient voir réunies pour avoir la conviction que l’inflation progressait durablement vers la cible de 2 %.

Dans cette optique, ils ont passé en revue les principaux indicateurs qu’ils surveillaient pour évaluer la trajectoire de l’inflation sous-jacente.

  • Concernant l’équilibre entre la demande et l’offre, les membres ont dit avoir davantage confiance que les pressions inflationnistes continueraient à s’atténuer même quand la croissance se redresserait, puisqu’ils s’attendaient à ce que l’offre excédentaire dans l’économie persiste toute l’année.
  • Ils ont convenu que les pratiques d’établissement des prix des entreprises se normalisaient. D’après l’analyse des microdonnées de l’IPC, les entreprises augmentaient leurs prix moins fréquemment, ce qui était conforme aux résultats des enquêtes menées par la Banque.
  • Les attentes d’inflation des entreprises avaient continué à diminuer et concordaient avec les perspectives de la Banque. Puisque les entreprises ont tendance à être tournées vers l’avenir lorsqu’elles établissent leurs prix, les membres considéraient les attentes de celles-ci comme un indicateur de l’inflation future. Quant aux attentes des consommateurs, ils les voyaient comme étant davantage le reflet de leur expérience récente de l’inflation.
  • La croissance des salaires restait forte par rapport à celle de la productivité, mais les membres ont noté qu’elle tend à être décalée par rapport à l’activité sur le marché du travail. Ils s’attendaient à ce que la croissance des salaires décélère graduellement au cours des trimestres à venir, étant donné les conditions du marché du travail qui se modéraient.

Pour les membres, les progrès réalisés par rapport à tous ces indicateurs étaient un signe que la trajectoire probable de l’inflation sous-jacente s’annonçait favorable.

Les membres ont ensuite cherché à déterminer à quel moment ils pourraient avoir la conviction que l’inflation progressait durablement vers la cible de 2 %, ou de quel degré d’assurance ils auraient besoin. Ils ont aussi débattu du moment où ils s’attendaient à ce que les conditions soient en place pour commencer à relâcher la posture restrictive de la politique monétaire.

Certains membres ont souligné que comme l’économie se portait bien, il y avait moins de risque qu’une politique monétaire restrictive ralentisse l’économie plus que nécessaire pour ramener l’inflation à la cible. Ils ont aussi indiqué que la demande intérieure plus forte, jumelée à l’expansion robuste aux États-Unis, pourrait empêcher l’inflation fondamentale de ralentir davantage, ou même en accélérer de nouveau le rythme advenant d’autres imprévus. Ils ont donc noté qu’une plus grande certitude était nécessaire pour réduire le risque que l’évolution à la baisse de l’inflation fondamentale stagne, et pour éviter de compromettre les progrès accomplis.

D’autres membres ont mis davantage l’accent sur les progrès réalisés pour faire baisser l’inflation. Les hausses de prix s’étaient atténuées considérablement pour la plupart des biens et des services. La distribution des taux d’inflation parmi les composantes de l’IPC s’était approchée de la normale, malgré quelques augmentations et baisses démesurées de prix du côté de certaines composantes. Prenant aussi en compte des indicateurs montrant que l’économie affichait une offre excédentaire ainsi qu’un scénario de référence indiquant que l’écart de production ne commencerait à se résorber que l’an prochain, ces membres étaient d’avis que garder la politique monétaire plus restrictive que nécessaire présentait un risque.

En évaluant ces considérations d’ordre temporel, les membres se sont penchés sur certains des risques pesant sur les perspectives de croissance et d’inflation.

Comme lors des réunions précédentes, ils ont discuté du risque que l’activité sur le marché du logement s’accélère et fasse grimper encore les frais de logement. Ils ont reconnu qu’un assouplissement de la politique monétaire pourrait accroître la probabilité que ce risque se concrétise, peu importe à quel moment s’amorcerait le cycle d’assouplissement. Les membres ont aussi discuté du coût de l’intérêt hypothécaire et de la façon dont ce coût devrait être traité du point de vue de la politique monétaire. Ils se sont entendus pour dire que mettre l’accent sur les mesures de l’inflation fondamentale privilégiées par la Banque leur permettait de faire efficacement abstraction du coût de l’intérêt hypothécaire. En effet, l’IPC-tronq retranche symétriquement les variations de prix extrêmes à la fois du haut et du bas de la distribution des variations de prix. Le coût de l’intérêt hypothécaire avait donc été exclu de l’IPC-tronq quasiment tous les mois ces deux dernières années. Cette mesure avait toutefois pris en compte d’autres prix des services liés au logement, comme le loyer, qui reflètent davantage la demande et l’offre de logements.

Les membres se sont aussi penchés sur la trajectoire de la croissance démographique. En phase avec l’objectif du gouvernement fédéral visant à réduire la proportion de résidents non permanents, la projection prévoyait une forte croissance démographique continue dans la première moitié de 2024, suivie d’une croissance beaucoup plus modérée. Les détails de la mise en œuvre de tout cela n’avaient toutefois pas encore été annoncés. Le Conseil a reconnu qu’une dose d’incertitude entourait l’évolution de la croissance démographique dans l’avenir et a convenu qu’il serait important de mettre à jour les prévisions démographiques tous les trimestres.

Dans l’ensemble, les membres se sont entendus pour dire que l’inflation était encore trop élevée. Et même s’ils restaient davantage préoccupés par les risques à la hausse entourant les perspectives d’inflation, ils considéraient les risques tant à la hausse et qu’à la baisse comme étant moins aigus.  

La décision de politique monétaire

Les membres du Conseil ont indiqué qu’ils avaient encore constaté des progrès récemment du côté de l’inflation fondamentale et des principaux indicateurs de l’inflation sous-jacente. Malgré leurs points de vue différents quant au degré d’assurance supplémentaire nécessaire pour avoir la conviction que l’inflation était sur une trajectoire durable vers un retour à la cible de 2 %, ils ont convenu par consensus de maintenir le taux directeur à 5 %.

Dans ses communications à propos des deux décisions de taux précédentes, le Conseil avait souligné qu’il voulait « voir l’inflation fondamentale continuer de baisser de façon durable ». Les membres ont noté qu’en janvier et en février, l’inflation fondamentale avait bel et bien « continué de baisser », et qu’ils voulaient s’assurer que cette baisse serait « durable ».

Les membres avaient des divergences d’opinions quant au moment où les conditions seraient vraisemblablement réunies pour justifier une réduction du taux directeur. Mais ils se sont entendus pour dire que les assouplissements monétaires seraient probablement graduels, étant donné les risques pesant sur les perspectives et le retour de l’inflation à la cible qui s’annonçait lent.

Les membres ont convenu de continuer à surveiller de près l’évolution de l’inflation fondamentale et à se concentrer sur ces quatre indicateurs clés des pressions inflationnistes sous-jacentes :

  • l’équilibre entre l’offre et la demande dans l’économie
  • les pratiques d’établissement des prix des entreprises
  • les attentes d’inflation
  • la progression des salaires par rapport à celle de la productivité

Enfin, les membres du Conseil se sont mis d’accord pour poursuivre la politique consistant à normaliser le bilan en ne remplaçant pas les obligations arrivant à échéance.

Sur cette page
Table des matières