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La Grande Frustration : progression à pas hésitants vers la croissance et le rééquilibrage à l’échelle du globe

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Introduction

L’effondrement de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, a provoqué une débâcle économique brutale à l’échelle mondiale. Ce qui avait été considéré jusque-là comme un épisode passager de « turbulence financière » s’était soudainement transformé en véritable panique. L’économie américaine, qui était à l’épicentre de la crise, a subi le pire ralentissement qu’elle ait connu depuis la Grande Dépression. Cela aurait pu être bien pire 1.

Les mesures énergiques prises rapidement par les autorités budgétaires et monétaires ont finalement contribué à stabiliser la situation, et la production a amorcé une reprise vers la fin de 2009 (Graphique 1). Toutefois, quatre années se sont écoulées depuis la débâcle et l’activité économique réelle aux États-Unis dépasse à peine le sommet observé avant la récession. En outre, plus de 4,5 millions d’emplois (en chiffres nets) perdus pendant la crise n’ont toujours pas été récupérés. Le PIB des États-Unis est inférieur d’environ 10 % au niveau qu’il aurait atteint s’il avait continué d’augmenter au taux d’accroissement tendanciel qu’il avait enregistré avant la crise (ce qui équivaut à plus de un billion de dollars) 2.

Le PIB de l’Europe n’a pas encore rejoint son sommet d’avant la récession et on ne s’attend pas à ce qu’il y retourne avant 2015, au plus tôt. Les économies de marché émergentes, y compris le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (les pays du BRIC), qui progressaient à un rythme extraordinaire avant la crise, s’en sont beaucoup mieux tirées, mais ont quand même été touchées. Le découplage s’est avéré illusoire.

Plusieurs institutions internationales et chercheurs réputés ont signalé que les reprises qui suivent une crise financière, surtout lorsque celle-ci concerne les banques et l’immobilier, étaient normalement de longue durée et difficiles, mais rares sont ceux qui s’attendaient à un processus aussi lent et pénible. La Grande Modération des années 1990 et du début des années 2000 a été suivie de la Grande Récession de 2008-2009, puis, maintenant, de ce qu’un gouverneur de banque centrale a qualifié de « Grande Frustration » 3. Mais je ne suis pas ici pour vous décourager. En fait, mon discours aujourd’hui contient un message d’espoir. J’examinerai pourquoi les grandes économies avancées sont là où elles sont et décrirai ensuite ce que l’avenir pourrait nous réserver. Mon message d’espoir n’est accompagné d’aucune garantie cependant. Il ne fait que montrer la possibilité d’un dénouement plus favorable. Pour y parvenir, il faudra un degré appréciable d’intérêt personnel éclairé.

Je commencerai par un bref survol de la situation actuelle, que je comparerai à celle dans laquelle beaucoup d’entre nous pensaient ou espéraient se retrouver aujourd’hui. Je vous indiquerai aussi où nous aurions pu aboutir si des mesures correctives énergiques n’avaient pas été prises au bon moment. « Estimez-vous heureux d’avoir ce que vous avez » pourrait être l’épitaphe appropriée pour la Grande Récession - cela aurait pu être pire. Je vous parlerai ensuite du Cadre du G20 pour une croissance forte, durable et équilibrée, la stratégie économique établie par les dirigeants du G20 lors d’une réunion tenue par le président Obama à la fin de 2009 4.

La troisième partie de mon exposé dresse un bilan de ce qui s’est passé depuis 2009, notamment des engagements des autorités publiques qui ont été respectés et de ceux qui ne l’ont pas été, et fait ressortir en particulier les défaillances importantes. Dans la dernière partie, j’examinerai où nous devons aller à partir d’ici. Il s’agit de la portion encourageante de mes propos aujourd’hui.

Ce n’est pas bon, mais cela aurait pu être pire

L’activité économique aux États-Unis, comme je l’ai dit plus tôt, a dépassé le sommet atteint juste avant la crise, mais est nettement inférieure au niveau où elle aurait pu être s’il n’y avait pas eu la débâcle. Le chômage demeure près de 8 %, comparativement au creux (peut-être insoutenable) de 4,4 % touché juste avant la crise, et se situe bien au-dessus des estimations consensuelles du taux de chômage structurel ou naturel. On juge que les capacités inutilisées s’établissent aux environs de 3 à 4 % de la production potentielle.

Le Graphique 2 montre la situation de l’économie américaine durant les cinq dernières années (le trait continu rouge) et son évolution au cours des deux prochaines années selon les projections de la Banque du Canada (le trait discontinu rouge). Les limites supérieure et inférieure de la zone grise représentent les reprises les plus rapides et les plus lentes de l’économie américaine postérieures à toutes les récessions précédentes qui se sont produites depuis la Deuxième Guerre mondiale. Comme vous pouvez le constater, la trajectoire, en rouge, se trouve sensiblement au-dessous de la limite inférieure.

La situation en Europe a été encore plus décevante eu égard aux précédentes reprises d’après-guerre (Graphique 3). Au final toutefois, tant les États-Unis que l’Europe s’en sont beaucoup mieux tirés que ce qu’on a observé durant la Grande Dépression (Graphique 4). Ne vous y trompez pas : c’est là où les grandes économies avancées se dirigeaient à la fin de 2008. De fait, la production diminuait à un rythme nettement plus rapide durant cette période qu’à la fin de 1929. Seules les mesures de politique coordonnées et exceptionnelles qui ont été prises ont empêché une autre Grande Dépression.

Le Cadre du G20 pour une croissance forte, durable et équilibrée

À la fin de 2009, la production avait commencé à augmenter à un rythme raisonnablement robuste dans de nombreuses économies, voire toutes, et les autorités espéraient que l’économie mondiale se trouvait sur la voie de la reprise. La faible marge de manœuvre budgétaire que les grandes économies avancées avaient pu utiliser au milieu de la crise était presque réduite à néant, toutefois, et plusieurs banques centrales avaient abaissé leurs taux d’intérêt cibles autant que possible. Résultat, elles ont déployé un éventail de mesures de politique monétaire non traditionnelles, dont des achats massifs d’actifs et des indications prospectives exceptionnelles quant à la trajectoire future prévue des taux d’intérêt à court terme. Même si ces mesures extraordinaires ont contribué à stabiliser l’activité économique et à infléchir les fortes baisses, il fallait de toute évidence une stratégie à plus long terme pour relancer la croissance mondiale et lui procurer des fondements plus durables.

C’est ainsi que le G20 a élaboré un plan stratégique comportant quatre volets : le Cadre pour une croissance forte, durable et équilibrée. Chaque volet était indispensable, en soi, mais il l’était aussi pour assurer le succès des trois autres.

Le premier volet comprenait un assainissement notable des finances publiques par les pays qui avaient affiché d’importants déficits budgétaires insoutenables avant la crise et qui les avaient vus s’aggraver encore plus durant la récession, en raison de la diminution des revenus et de la hausse des dépenses. Naturellement, les banques et les ménages dans plusieurs de ces pays payaient aussi pour les excès passés, en s’appliquant rapidement à réduire leur levier d’endettement et à assainir leurs bilans peu reluisants.

Le deuxième volet du Cadre préconisait la mise en œuvre de vastes réformes du système financier. Celles-ci visaient à rebâtir les institutions financières et les marchés financiers de manière à réduire au minimum la possibilité que de nouvelles crises surviennent et à rendre le système plus apte à résister à toute crise qui pourrait se produire.

Le troisième volet était axé sur des réformes structurelles ambitieuses ayant pour but de libéraliser les marchés du travail et des biens ainsi que d’améliorer la gouvernance et les dispositifs institutionnels, ce qui permettait d’accroître l’efficience et la production potentielle à long terme.

Le quatrième et dernier volet concernait un rééquilibrage de la demande à l’échelle du globe. La demande intérieure excédentaire dans les pays accusant un déficit du compte courant serait éliminée ou réduite à des niveaux gérables et remplacée par une demande extérieure accrue émanant d’autres pays affichant un excédent du compte courant. Entre-temps, ces derniers devaient stimuler leur demande intérieure et diminuer leur dépendance à l’égard des stratégies d’expansion axées sur l’exportation. Bien que ces stratégies de croissance se soient avérées extrêmement fructueuses dans plusieurs économies émergentes, elles étaient souvent soutenues par des interventions persistantes et de grande ampleur sur le marché des changes ainsi que par des mesures rigoureuses de contrôle des capitaux visant à maintenir les monnaies sous-évaluées. Comme la plupart des pays en déficit ont désormais joué toutes leurs cartes et sont maintenant engagés dans un processus de diminution de leur demande, ce genre de stratégie ne peut plus continuer. Des réformes structurelles, appuyées par des taux de change flottants déterminés par les marchés, s’imposent dans ces économies émergentes pour soutenir la croissance.

Le bon, le mauvais et l’abominable scénarios

Au début, les observateurs ont manifesté un optimisme prudent à l’égard du plan et, sans égard aux avertissements lancés par Reinhart et Rogoff, ont cru que, cette fois-ci, ce pourrait être vraiment différent 5. Idéalement, la combinaison appropriée de politiques permettrait de raccourcir la durée de la reprise et de parvenir à un bien meilleur équilibre à long terme. L’expérience vécue par les cinq pays avancés qui avaient subi des crises financières plus tôt dans la période d’après-guerre et sur lesquels portait l’étude de Reinhart et Rogoff ne serait pas le prologue de ce que les économies avancées allaient réaliser au moyen d’une action concertée.

Malheureusement, les trajectoires des économies tant américaine qu’européenne ont été jusqu’à présent remarquablement semblables à celles de ces cinq pays (voir la ligne bleue au Graphique 5 et au Graphique 6). Cependant, il ne faudrait pas en conclure que cette expérience est représentative d’une sorte de trajectoire immuable vers laquelle les économies doivent nécessairement graviter après une crise. Une telle attitude est trop défaitiste et fataliste. De bonnes politiques peuvent changer les choses - et elles le font.

Il importe de comprendre que les quatre volets du Cadre du G20 décrits précédemment se renforcent mutuellement. On savait que les trois premiers volets, bien qu’essentiels pour obtenir des résultats stables et qui se traduisent par une amélioration du bien-être dans l’avenir, avaient des effets déflationnistes à court et à moyen terme entraînant une baisse de la demande mondiale. Le quatrième volet, le rééquilibrage de la demande mondiale, était indispensable pour contrecarrer ces vents contraires considérables, en soutenant la croissance du globe jusqu’à ce que les effets positifs des trois autres volets se fassent sentir.

Afin de faire ressortir les coûts des politiques inopérantes ou, pour s’exprimer de manière plus positive, les gains potentiels de politiques efficaces, des économistes à la Banque du Canada ont eu recours à leur modèle de l’économie mondiale au début de 2011 pour établir trois scénarios possibles. Bien que tout modèle économétrique doive être interprété avec une extrême prudence, celui-ci s’est avéré très utile dans le passé, et les résultats obtenus ont été considérés comme des approximations raisonnables de ce à quoi on pourrait s’attendre dans différentes situations 6.

Le premier, appelé le « bon » scénario, postule que tout le monde fait le nécessaire pour remplir les engagements pris par le G20 en 2009 et lors des trois sommets des dirigeants qui ont suivi. Le but recherché n’était pas de créer le meilleur scénario possible - une solution « à la Boucles d’Or » - mais un qui devait être suffisamment bon pour donner les résultats escomptés. Le deuxième scénario, dit « le mauvais », fait l’hypothèse que presque tout ce qui a été promis finit par être accompli, mais trois ans plus tard que prévu. L’« abominable » scénario, soit le troisième, est une variante des deux premiers et suppose que seulement la moitié du travail est fait, du moins initialement. L’assainissement budgétaire est entrepris, de même que la réforme du secteur financier, mais on omet de réaliser plusieurs réformes structurelles importantes ainsi que le passage à un régime de changes plus flexibles dans certains pays émergents.

Les différentes trajectoires de la croissance qu’impliquent les trois scénarios ressortent clairement des résultats présentés au Graphique 7. Le retard dans la mise en œuvre des politiques intégré au mauvais scénario fait reculer la production mondiale de quelque 8 % par rapport au niveau qu’elle aurait enregistré selon le bon scénario (6 billions de dollars É.-U.). Faire la moitié du travail, comme le suppose le scénario abominable, est encore pire, du moins pendant les premières années. La raison principale en est que les effets déflationnistes de l’assainissement budgétaire se font sentir plus rapidement.

Où en sommes-nous maintenant?

Tout cela est bien beau, direz-vous, mais quel est le lien entre, d’une part, les résultats de ces modèles et, d’autre part, le monde réel et la situation actuelle? Où en sommes-nous maintenant, quatre ans après l’éclatement de la crise?

Les résultats dans le monde réel sont nettement mitigés, malgré les nouveaux programmes d’assouplissement quantitatif et les autres mesures de politique monétaire non traditionnelles mises en œuvre par de grandes banques centrales. Les forces déflationnistes dans de nombreux pays semblent l’emporter. La croissance n’est certes pas complètement au point mort à l’échelle du globe, mais elle n’est pas aussi forte ou aussi largement répartie que beaucoup l’espéraient.

À une ou deux exceptions notables près, bon nombre de pays procèdent à l’assainissement budgétaire requis. Cependant, il existe un risque que le processus se déroule trop rapidement à court terme, sous l’effet des forces du marché (ou de la loi, comme dans le cas des États-Unis). Le Fonds monétaire international et d’autres organismes responsables des politiques publiques recommandent maintenant que l’assainissement se fasse d’une manière résolue mais graduelle, dans la mesure du possible 7. Autrement dit, il ne faut pas en faire trop à court terme, car il semble que les multiplicateurs budgétaires soient beaucoup plus importants qu’estimé précédemment. Cela dit, certains pays, notamment le Japon et les États-Unis, doivent établir des trajectoires crédibles à long terme afin d’assainir leurs finances publiques. Leur dette et leurs déficits suivent des trajectoires explosives, et les forces démographiques ne contribueront qu’à les aggraver.

C’est la réforme du système financier qui a connu le succès le plus retentissant malgré le caractère ambitieux du programme 8. L’étape de la conception de la réforme financière est pratiquement terminée, mais la mise en œuvre complète, à point nommé et cohérente des réformes sera déterminante. Des mécanismes d’examen par les pairs ont été établis afin de faire progresser le processus et d’assurer le maintien de cette cohérence d’un pays à l’autre 9. Les défis sur le plan transfrontalier de la réalisation des réformes sont particulièrement redoutables.

Le bilan des réformes structurelles est légèrement meilleur que certains commentaires pourraient le laisser supposer, mais les progrès ont été extrêmement inégaux. Les initiatives structurelles annoncées par quelques pays manquent d’ambition et visent des enjeux moins complexes et moins délicats sur le plan politique. Par contre, bien d’autres pays, de leur propre gré ou sous la contrainte, réalisent des réformes de plus grande envergure. Comme on pourrait se l’imaginer, un grand nombre d’entre eux sont des pays en déficit, qui sont soumis à d’intenses pressions du marché ou qui font l’objet d’une surveillance dans le cadre de programmes d’aide officielle. Les pays en excédent, en revanche, sont moins motivés et semblent avoir adopté une approche plus relâchée.

C’est en ce qui a trait au dernier volet crucial du Cadre, le rééquilibrage de la demande mondiale, que le dérapage a été le plus notable même si, à première vue, les choses semblent avoir bien évolué. Les taux de change effectifs réels de plusieurs importants pays en excédent se sont appréciés et le solde de leurs comptes courants a généralement baissé (Graphique 8). Les exportations ont reculé et la demande intérieure représente maintenant une part plus grande de la croissance de leur PIB. Les apparences peuvent être trompeuses, cependant.

Même si certains progrès légitimes ont été accomplis concernant le rééquilibrage de la croissance mondiale, la majeure partie de la « correction » qui s’est produite découle du tassement de la demande dans les pays en déficit. Il en va de même de l’accroissement de la part de la demande intérieure au sein de nombreux pays en excédent. Il ne s’agit pas dans ce cas d’une hausse nettement plus rapide de la demande intérieure, mais plutôt d’un repli des exportations en réaction à une diminution des revenus et à une vigoureuse compression de la demande dans des pays en déficit (Graphique 9).

Dans les cas où les pays en excédent ont accru leur contribution à la demande intérieure, celle-ci a souvent été concentrée dans les investissements fixes, qui étaient déjà indûment élevés et souvent mal répartis. L’investissement en proportion du PIB en Chine, par exemple, se situe à quelque 50 %, alors que la consommation des ménages s’établit aux environs de 35 %, ratio qui est exceptionnellement bas à tous égards et qui diminue avec le temps (Graphique 10). Lorsque les pays en déficit renoueront avec la croissance, il est probable que leurs comptes courants redeviendront excédentaires. Sans un effort conscient pour favoriser un déplacement de la demande et soutenir la croissance mondiale, le rééquilibrage proprement dit sera un processus long et douloureux.

On note aussi des signes de progrès quant à la trajectoire des taux de change réels. Dans certains pays en excédent, les taux de change affichent une plus grande souplesse. Toutefois, cette évolution est assez limitée par rapport aux mouvements observés au sein d’autres régimes, véritablement flexibles (Graphique 11 et Graphique 12). Elle est aussi bien moins importante que celle qui serait dictée par les facteurs fondamentaux. De nombreux pays en excédent continuent de recourir au contrôle des capitaux et aux interventions actives sur les marchés des changes pour accroître leur avantage concurrentiel.

Étant donné tous ces facteurs, il semble que nous soyons coincés dans le mauvais scénario. Toutefois, si la situation persiste, nous pourrions aisément nous retrouver dans le scénario abominable.

Cela ne veut pas dire que toutes les difficultés que nous avons connues découlent d’une mise en œuvre ratée ou partielle des politiques. Deux choses méritent d’être soulignées à cet égard. Premièrement, Reinhart et Rogoff ont raison d’affirmer que les reprises qui succèdent à une crise financière majeure, surtout une crise mondiale, sont différentes de celles qui font suite à des récessions « normales ». Il faut en tenir compte. Deuxièmement, l’économie mondiale a subi de nouveaux chocs depuis 2008. Le tremblement de terre au Japon et la crise en Europe sont les exemples les plus évidents, même si certains diront que la crise européenne n’est que le prolongement de la crise financière initiale.

Même si l’on prend ces facteurs en considération, toutefois, on sent qu’on aurait pu faire mieux.

Que faut-il faire?

Pouvons-nous revenir au scénario souhaité? En un mot, oui. Ce qu’il nous faut est très semblable à ce qui avait été proposé et convenu à la fin de 2009, mais certaines modifications s’imposent. La liste qui suit ne se veut pas exhaustive mais elle présente les grandes lignes.

Premièrement, les États-Unis doivent gérer leur précipice budgétaire. Ils doivent s’employer à rééquilibrer leur budget. Cependant, un profil plus graduel au cours des deux ou trois prochaines années et une trajectoire crédible à long terme seraient préférables à l’approche agressive suivie actuellement.

Deuxièmement, l’Europe doit se rétablir. Certaines mesures doivent être prises simplement pour contenir la crise. Mentionnons notamment l’instauration du mécanisme de stabilisation à l’appui du refinancement de la dette souveraine et de la recapitalisation des banques ainsi que du programme d’opérations monétaires sur titres. Celui-ci contribuera a éliminer la prime de risque liée à la possibilité que des pays quittent la zone euro et à améliorer le mécanisme de transmission de la politique monétaire dans la zone euro.

Bien entendu, la résolution de la crise en Europe prendra plusieurs années. Les aspects cruciaux sont la poursuite de l’assainissement budgétaire dans de nombreux pays, la restauration des systèmes bancaires déficients, la réforme en profondeur des marchés du travail et des biens, l’amélioration de la gouvernance et la mise sur pied, à terme, d’unions bancaires, budgétaires et politiques.

Troisièmement, les pays en excédent qui retardent les ajustements qui s’imposent à l’échelle du globe en empêchant les changements devant être apportés à leurs taux de change devraient s’orienter plus rapidement vers l’adoption de taux de change déterminés par les marchés. En outre, ils devraient opérer les modifications structurelles nécessaires pour stimuler la demande intérieure, en mettant particulièrement l’accent sur la consommation. Cela permettrait à un plus grand nombre de leurs citoyens de tirer pleinement parti de leur travail et améliorerait le bien-être économique du pays en général.

Conclusion

Il existe une vieille blague à propos d’un voyageur qui demande son chemin et qui se fait répondre par une personne du coin : « Je n’essaierais pas de me rendre là à partir d’ici. » Malheureusement, nous n’avons pas le choix quant à notre point de départ. Il serait plus facile d’en avoir un meilleur, mais ce n’est pas le cas. Heureusement, la feuille de route originale établie en 2009 demeure appropriée pour l’essentiel 10. Il faudra peut-être en faire plus, étant donné le temps précieux et la capacité que nous avons perdus en retardant les ajustements, mais la mission n’est pas impossible.

Attaquons-nous d’abord à ce qui a été promis, puis voyons ce qu’il reste à faire. La bonne nouvelle, c’est que bon nombre des risques auxquels nous sommes confrontés découlent d’un dérapage sur le plan politique et devraient donc être corrigés par les pouvoirs politiques. Nous en avons les moyens. Espérons que nous avons tiré des leçons et que nous relèverons les défis avec une détermination renouvelée.

Je vous remercie de votre attention.

  1. 1. Le PIB des États-Unis a reculé d’environ 4 % entre le sommet et le creux de la récession, tandis que l’activité économique réelle en Europe et au Japon fléchissait respectivement de 6 et de 8 %.[]
  2. 2. Cela suppose, bien sûr, que le taux d’accroissement tendanciel observé précédemment était soutenable.[]
  3. 3. Expression utilisée par Glenn Stevens, gouverneur de la Banque de réserve d’Australie, lors d’une réunion privée tenue récemment.[]
  4. 4. Des précisions sur le Cadre du G20 pour une croissance forte, durable et équilibrée.[]
  5. 5. C. Reinhart et K. Rogoff (2009), This Time Is Different: Eight Centuries of Financial Folly, Princeton (New Jersey), Princeton University Press.[]
  6. 6. Pour de plus amples renseignements sur le modèle et les hypothèses essentielles intégrées dans les scénarios, voir C. de Resende, C. Godbout, R. Lalonde, É. Morin et N. Perevalov (2012), « De l’ajustement de l’économie mondiale », Revue de la Banque du Canada, printemps.[]
  7. 7. Fonds monétaire international (2012), « Une dette élevée et une croissance anémique », Perspectives de l’économie mondiale, octobre.[]
  8. 8. M. Carney (2012), Progress of Financial Regulatory Reform, lettre adressée par le président du Conseil de stabilité financière, M. Carney, aux ministres des Finances et aux gouverneurs de banques centrales des pays du G20, 31 octobre.[]
  9. 9. T. Macklem (2012), Bâtir l’infrastructure de la réforme, discours prononcé devant le Rotman Institute for International Business, Toronto, 7 février.[]
  10. 10. Le Canada et l’Inde sont les coprésidents du groupe de travail du G20 sur le Cadre pour une croissance forte, durable et équilibrée, dont la mission est de promouvoir la réalisation du programme. Ce groupe se penche actuellement sur les principaux défis liés à l’accroissement de la flexibilité des taux de change dans les économies émergentes, à la mise en place de réformes structurelles plus profondes et plus importantes, et au renforcement des engagements sur le plan budgétaire.[]