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Déclaration préliminaire devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes

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Introduction

L’engagement de la Banque du Canada envers les Canadiens et les Canadiennes est de favoriser la prospérité économique et financière de notre pays. Pour ce faire, nous communiquons ouvertement et efficacement nos objectifs et rendons compte de nos actes.

Je vous remercie donc de l’occasion qui m’est offerte de me présenter devant vous ce matin pour communiquer le point de vue de la Banque. Veuillez noter que je suis en poste depuis quatre jours. J’espère que vous excuserez le fait que certains détails ne me sont pas encore familiers. Cela dit, j’ai hâte de connaître votre avis et d’entendre vos questions. J’y répondrai de mon mieux.

Le dénominateur commun de l’ensemble du travail accompli par la Banque est la confiance. Grâce à ses actions et à ses paroles, la Banque du Canada suscite la confiance dans notre monnaie, dans le rôle qu’elle joue à titre d’agent financier du gouvernement fédéral, dans notre système bancaire et dans la valeur de la monnaie.

Nous sommes tous en terrain connu ici aujourd’hui. Je n’ai pas l’intention d’entrer dans les détails des fonctions de la Banque. Je parlerai plutôt de la conjoncture actuelle dans laquelle nous évoluons et de l’incidence qu’elle a sur les efforts déployés par la Banque pour susciter la confiance. Bref, des défis auxquels nous sommes confrontés et de la mesure dans laquelle ils influent sur les activités de la Banque.

La conjoncture mondiale actuelle

Il y a maintenant presque six ans que la crise financière mondiale a débuté. Étant donné le quasi-effondrement du système financier international et la baisse spectaculaire de la demande mondiale, il n’y a peut-être pas lieu de s’étonner si la situation économique n’est pas encore revenue à la normale.

L’économie mondiale est toujours aux prises avec des difficultés. La plupart des économies avancées continuent de subir des tensions liées au crédit, et leurs taux d’intérêt demeurent à des creux inégalés. De nombreuses banques centrales ont encore recours à des mesures non traditionnelles pour augmenter le degré de détente monétaire, et les gouvernements font tout ce qu’ils peuvent pour gérer la situation de leur dette.

De toute évidence, l’économie mondiale est toujours en phase de reprise. On prévoit que son rythme de progression sera modeste cette année, avant de s’accroître au cours des deux années suivantes. Cependant, il ne s’agit pas d’une reprise au sens habituel du terme. Cela ressemble plutôt à une reconstruction d’après-guerre. Des efforts soutenus et bien ciblés seront nécessaires pour rebâtir le potentiel économique mondial.

Permettez-moi d’expliquer comment, dans ce contexte, la Banque du Canada suscite la confiance.

Susciter la confiance

Susciter la confiance dans notre monnaie

Je parlerai tout d’abord de la confiance dans notre monnaie, qui représente, pour de nombreux Canadiens, notre produit le plus tangible. Chaque billet de banque dans les portefeuilles des Canadiens est le fruit d’une expertise spécialisée et pointue. Près de 200 employés de la Banque - physiciens, chimistes, ingénieurs et autres spécialistes - se consacrent à la conception, à la mise à l’essai et à la distribution des billets de banque partout au pays. Nous communiquons aussi avec les détaillants, les institutions financières et le public et travaillons de concert avec les organismes d’application de la loi afin de décourager la contrefaçon.

Les enjeux sont élevés lorsqu’il s’agit de contrefaçon, non seulement en raison des pertes directes subies par les Canadiens, mais aussi de la perte de confiance dans les billets de banque.

Le problème posé par la contrefaçon est considérable. En 2004, il fut un temps où le niveau de contrefaçon au Canada a atteint un sommet historique - et élevé par rapport à celui observé à l’étranger. Je suis sûr que beaucoup d’entre vous se souviennent des affiches dans les magasins indiquant que les billets de 50 et de 100 dollars n’étaient pas acceptés.

La Banque du Canada a doté ses billets d’éléments de sécurité améliorés et a travaillé en étroite collaboration avec les organismes d’application de la loi, la GRC et les tribunaux, ainsi qu’avec les institutions financières et les détaillants afin de faire baisser ces taux de contrefaçon. Et elle a réussi. Avant même l’introduction de nos nouveaux billets en polymère, ces taux avaient été réduits de 90 %.

Il est toutefois important de se rappeler que garder une longueur d’avance sur les faussaires est un défi constant. Il faut toujours être proactifs.

C’est pourquoi la Banque du Canada a lancé une nouvelle série de billets de banque en polymère plus sûrs, moins chers et plus écologiques. Ils sont plus sûrs parce qu’ils sont dotés d’éléments de sécurité perfectionnés, mettant notamment à profit l’holographie et la transparence, qui les rendent plus difficiles à contrefaire et plus faciles à vérifier. Ils sont moins chers parce qu’ils durent au moins deux fois et demie plus longtemps que ceux en papier de coton. Autrement dit, il faudra imprimer moins de billets, ce qui rend la série plus économique.

Et ils sont plus écologiques, car au cours de la durée de vie de la série, moins de billets seront produits, donc transportés. Et lorsqu’il faudra les remplacer, les billets seront recyclés au Canada.

Grâce à ces nouveaux billets, les Canadiens peuvent avoir pleinement confiance dans leur monnaie.

Susciter la confiance dans notre mode de gestion financière

Notre deuxième pôle d’activité est beaucoup moins perceptible pour la plupart des Canadiens. En tant qu’agent financier du gouvernement fédéral, la Banque du Canada administre la dette et les réserves de ce dernier et lui donne des conseils à ce sujet. Elle est un chef de file mondial dans ce domaine. Des travaux innovateurs sont accomplis, par exemple pour réduire la dépendance à l’égard des agences de notation externes dans la gestion des actifs et des passifs de l’État.

Les montants en jeu sont considérables. En 2012, la Banque gérait quotidiennement les soldes de trésorerie du gouvernement canadien d’une valeur moyenne d’environ 17 milliards de dollars. Elle gérait aussi, au nom de l’État, les réserves officielles de change internationales se chiffrant à quelque 69 milliards de dollars américains.

Susciter la confiance dans notre système financier

Comme dans le cas d’un système de plomberie, on a tendance à se préoccuper du système financier seulement lorsqu’il y a un problème. Tout au long de la crise et depuis, le travail de la Banque a permis de maintenir la résilience du système canadien de compensation et de règlement des paiements à un niveau très élevé. Les Canadiens peuvent ainsi avoir la certitude que l’économie repose sur des infrastructures de marchés financiers solides.

La stabilité financière au pays est certes nécessaire, mais cela ne suffit pas. La crise a fait ressortir très clairement que le système financier mondial devait être remanié - et la Banque du Canada est à l’avant-garde des travaux de réforme menés à l’échelle internationale.

Au Canada, nous avons aussi beaucoup avancé par rapport aux engagements que nous avons pris dans le cadre du G20. Entre autres réformes, nous avons mis en place les normes de fonds propres de Bâle III avant l’échéance prévue. Nous avons accompli des progrès importants à l’égard d’autres réformes des infrastructures de marchés, dont nous pouvons traiter en détail au cours de notre discussion.

Il s’agit là de réalisations concrètes, qui ont permis de renforcer notre système financier. Toutefois, cet élan ne doit pas faiblir, ni au Canada, ni sur la scène internationale. Il faut déployer davantage d’efforts pour mettre fin au phénomène des institutions trop importantes pour faire faillite, notamment en ce qui concerne les plans de redressement et de résolution des banques. De plus, les pays doivent se pencher sur la question du secteur bancaire parallèle afin que les institutions financières d’importance systémique, qui exercent des activités à l’extérieur du périmètre de réglementation, en viennent à se conformer en gros aux mêmes principes que leurs homologues réglementées.

Susciter la confiance dans la politique monétaire

Enfin, la confiance est manifestement importante pour la conduite de la politique monétaire.

La politique monétaire au Canada s’appuie sur une structure de gouvernance qui inspire confiance et fait que les Canadiens, par l’entremise de leur gouvernement, ont leur mot à dire au sujet de l’établissement du cadre de conduite de la politique monétaire. Fait important, la structure garantit aussi que la banque centrale prendra, de manière indépendante, les bonnes décisions en matière de politique pour atteindre la cible d’inflation.

Le Canada dispose d’un bon cadre de mise en oeuvre de la politique monétaire. Après un travail de recherche énorme, le Canada a adopté un régime de ciblage de l’inflation en 1991. Depuis 1995, la cible est de 2 %. Nous avons vite reconnu qu’il était irréaliste de nous engager à maintenir l’inflation à un niveau parfaitement stable de 2 %. Les chocs subis par l’économie doivent être pris en compte. Le cadre est donc conçu de manière à maintenir à moyen terme l’inflation mesurée par l’IPC global au point médian de 2 % d’une fourchette cible qui va de 1 à 3 %. Il convient de souligner que la Banque agit de façon symétrique en ce qui concerne la cible d’inflation. Cela signifie qu’elle est tout aussi préoccupée lorsque l’inflation tombe au-dessous de la cible que lorsqu’elle la dépasse. La Banque fait varier son taux directeur à la hausse ou à la baisse, selon le cas, afin d’atteindre la cible habituellement à un horizon de six à huit trimestres, soit le temps qu’il faut ordinairement pour que les interventions en matière de politique monétaire se répercutent sur l’économie et fassent sentir pleinement leur effet sur l’inflation.

Au cours des deux dernières décennies, le taux d’inflation moyen a été très proche de notre cible. Même durant la crise économique et financière mondiale, notre engagement ne s’est pas démenti. La cible d’inflation est sacrée pour nous et est devenue un point d’ancrage crédible pour les attentes d’inflation des Canadiens.

Un élément clé du régime de ciblage de l’inflation de la Banque est un taux de change flottant. Si le taux de change subit l’influence de variables telles que les prix des produits de base, les taux d’inflation relatifs et les taux d’intérêt relatifs, sa valeur est déterminée sur les marchés des changes.

La crédibilité que nous avons acquise à la Banque ces vingt dernières années nous permet de profiter de la flexibilité inhérente au régime en ce qui a trait au temps qu’il faut pour ramener l’inflation à la cible. Les perturbations récentes ont testé les limites de notre régime flexible de ciblage de l’inflation. Néanmoins, les attentes d’inflation des Canadiens demeurent bien ancrées, ce qui prouve que notre cadre est sûr et efficace. Mais cela nous indique aussi que nous devons valider ces attentes pour maintenir notre crédibilité.

Ce qui m’amène à une discussion sur la conjoncture au pays.

La conjoncture canadienne

Étant donné la gravité de la crise économique et financière mondiale, la récession que celle-ci a provoquée au Canada a été différente des autres récessions de l’après-guerre. Le Canada a connu un repli particulièrement prononcé des investissements et des exportations, sous l’effet de l’effritement de la confiance des entreprises et du recul de la demande mondiale.

Aussitôt après la crise, les politiques monétaire et budgétaire expansionnistes ont soutenu très efficacement une croissance robuste de la demande intérieure, surtout des dépenses des ménages, qui ont atteint des niveaux records. Ce modèle de croissance a certes été efficace, mais si l’on tient compte du ralentissement de la demande intérieure observé actuellement, il montre clairement ses limites.

Ce qui est moins clair, c’est le processus de reconstruction inhérent au déplacement nécessaire de la croissance vers les exportations nettes et les investissements des entreprises. Même si l’économie canadienne dans son ensemble s’est remise de la récession, grâce à la demande intérieure, la profondeur et la durée de la récession à l’échelle mondiale ont frappé de plein fouet les entreprises canadiennes. Dans bien des cas, les fermetures temporaires d’usines n’ont pas été suffisantes pour compenser le recul de la demande. Certaines entreprises ont diminué leurs opérations de façon permanente. D’autres ont simplement fermé leurs portes. Des pertes d’emploi importantes en ont résulté.

En effet, la récession a entraîné un changement structurel notable au sein de l’économie canadienne. Le niveau de capacité de production de notre pays - autrement dit, le potentiel de production - a chuté, comme la Banque l’a fait remarquer en avril 2009. Les modèles macroéconomiques standards ne rendent pas vraiment compte de cette dynamique.

Tout comme la crise financière a déclenché une récession atypique, le cycle de reprise est inhabituel. Le déplacement de la demande prendra plus qu’une hausse de la production. Nous pouvons entrevoir la séquence suivante : la demande étrangère va reprendre, nos exportations vont progresser davantage, la confiance va s’améliorer, les entreprises vont investir pour augmenter leurs capacités, les entreprises existantes vont prendre de l’expansion et de nouvelles vont être créées.

Bref, il faut reconstruire le potentiel économique du Canada et retourner à une croissance autonome, qui s’autoalimente.

Ce processus est peut-être déjà amorcé.

Nous observons maintenant des signes de reprise dans certains marchés extérieurs importants, notamment les États-Unis et le Japon, et la croissance se poursuit dans les économies de marché émergentes. La Banque s’attend à ce que l’intensification de la demande étrangère contribue à renforcer la confiance des exportateurs canadiens, ce qui est crucial pour amener les entreprises d’ici à augmenter leurs investissements afin d’accroître leur capacité de production.

Conclusion : la confiance dans les paroles de même que dans les actions

La Banque a un rôle à jouer pour favoriser ce processus, autant que possible dans les limites de son régime de ciblage de l’inflation. Il n’y a pas de conflit entre le fait de favoriser ce processus et le besoin de faire remonter l’inflation à la cible de 2 %.

Lorsqu’il s’agit de politique monétaire, les actions sont d’une importance critique, mais les mots, eux aussi, sont très importants. Nous pouvons stimuler la confiance en expliquant les forces qui sont à l’oeuvre au sein de notre économie, nos prévisions pour l’évolution future et nos interventions de politique monétaire. Et nous contribuons à alimenter la confiance en écoutant les entreprises, les groupes syndicaux ainsi que les associations sectorielles afin d’approfondir notre compréhension de ce qui se passe dans l’économie réelle.

Nous devons toujours nous rappeler que derrière nos statistiques et nos analyses économiques et financières se trouvent de vraies personnes, qui prennent des décisions concrètes pouvant donner lieu à de bons comme à de mauvais résultats. Il n’est jamais facile de prendre ces décisions, mais lorsque l’incertitude est élevée et que la confiance n’est pas complètement rétablie, il peut être encore plus difficile de le faire. Si la confiance fait défaut, il se peut que des décisions soient retardées et que des occasions soient ratées.

Pour aider à susciter la confiance, la participation active des Canadiens et des Canadiennes doit être un élément fondamental de la politique de la Banque du Canada, tout comme la poursuite du dialogue avec le présent comité.

Sur ce, je vous remercie de votre attention. Je serais maintenant heureux de répondre à vos questions.