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Trois leçons apprises à propos du système de paiement Lynx

Introduction

Chaque jour, les ménages et les entreprises au Canada utilisent des systèmes de paiement pour effectuer des millions de transactions d’une valeur de plusieurs milliards de dollars. Depuis quelques années, le Canada modernise son écosystème de paiement pour s’assurer que celui-ci continue de répondre aux besoins des Canadiens dans l’économie numérique (Miller et Olivares, 2020). Ces efforts de modernisation comprennent le remplacement du système électronique utilisé pour transférer des paiements de grande valeur entre institutions financières. L’initiative est dirigée par Paiements Canada (l’exploitant des principaux systèmes de paiement utilisés au Canada) en collaboration avec les autorités et les institutions financières.

Paiements Canada a atteint une étape clé le 30 août 2021 avec le lancement d’un nouveau système nommé Lynx. Lynx remplace le Système de transfert de paiements de grande valeur (STPGV), qui a servi de système de paiement de grande valeur au Canada pendant plus de 20 ans. Au moment du lancement de Lynx, la Banque du Canada l’a désigné comme système de paiement d’importance systémique, le soumettant ainsi à sa surveillance (Banque du Canada, 2021).

Lynx utilise un modèle de règlement brut en temps réel (RBTR), qui représente aujourd’hui la norme mondiale pour les paiements de gros (Bech, Shimizu et Wong, 2017). En comparaison, l’ancien STPGV accumulait ses paiements au cours d’un jour ouvrable et réglait le solde net que se devaient les participants en fin de journée. Cela entraînait des expositions intrajournalières au risque de crédit entre les participants, qui était gérées par les méthodes de contrôle des risques du STPGV. En outre, le système était soutenu par une garantie de règlement de la Banque du Canada (Arjani et McVanel, 2006).

Dans un système de RBTR, il n’y a pas de risque de crédit entre les participants. De plus, un système de RBTR typique règle les paiements en temps réel, mais il exige plus de liquidités des participants. Voilà où réside le compromis classique entre risque de crédit, rapidité de règlement et efficience des liquidités.

Toutefois, Lynx est équipé d’autres outils qui aident à faire baisser les besoins en liquidités des institutions financières, sans réintroduire des délais importants (Kosse, Lu et Xerri, 2020; Banque du Canada et Paiements Canada, 2022).

Supposons que deux institutions financières ont besoin de s’envoyer toutes les deux un paiement de grande valeur. Les deux peuvent soumettre leur paiement dans une file d’attente sans fournir de liquidités. Les algorithmes de Lynx repèrent les paiements en attente qui peuvent être compensés mutuellement. Le fait de trouver ces compensations diminue les besoins en liquidités des participants, mais retarde modérément le règlement des paiements.

Comment la transition vers Lynx a-t-elle changé les tendances en matière de paiements de gros au Canada? Quelle est son incidence sur l’efficacité du système de paiement de gros au Canada? Desai et coll. (2023) fournissent une évaluation quantitative de ces questions dans une étude récente menée sur six millions d’opérations de règlement inscrites durant une période de six mois qui a commencé en octobre 20211. Leurs observations sont comparées avec des données sur les règlements de l’ancien STPGV durant une période équivalente de six mois de l’année précédente.

L’analyse des données sur les règlements du STPGV et de Lynx permet de tirer trois principaux constats. Comparé au STPGV :

  • Lynx a traité de plus grands flux de paiements agrégés, mais sans changement important dans les tendances saisonnières.
  • Le plus gros de la valeur quotidienne des paiements a été envoyé plus tôt dans Lynx, et les délais de règlement imposés par la file d’attente étaient mineurs.
  • Lynx a atteint une efficience accrue des liquidités lors du règlement des paiements.

Examinons de plus près chacun de ces constats.

Constat 1 : Flux de paiements

Si on compare les deux périodes examinées, on voit que le volume (en nombre) et la valeur (en dollars) des paiements réglés ont été plus élevés dans Lynx que dans le STPGV. Le graphique 1 montre que l’augmentation annuelle dans Lynx, en volume et en valeur, a été d’environ 10,5 %. On ne peut pas s’attendre à ce que le changement de système ait, à lui seul, une incidence importante sur les flux de paiements. Cette croissance est sans doute plutôt due à des tendances externes dans les activités de paiement2. En fin de compte, les changements saisonniers normaux dans les valeurs et les volumes hebdomadaires sont demeurés similaires dans les deux systèmes.

Graphique 1 : Le flux de paiements réglés dans Lynx a été plus élevé que celui dans le STPGV

Graphique 1 : Le flux de paiements réglés dans Lynx a été plus élevé que celui dans le STPGV

Valeurs et volumes quotidiens moyens à l’échelle du système des paiements réglés dans le STPGV et dans Lynx, moyenne hebdomadaire

Constat 2 : Moment des paiements

Le personnel de la Banque examine les proportions de la valeur totale quotidienne des paiements envoyés aux deux systèmes avant une certaine heure de la journée. Durant les deux périodes de six mois, le plus gros de la valeur des paiements est arrivé plus tôt dans Lynx que dans le STPGV (graphique 2). Cela s’explique sans doute par le fait que Lynx, de par sa conception, encourage les institutions financières à envoyer les paiements plus tôt dans la journée pour accroître les chances de trouver des gains d’efficience avec les liquidités. Les paiements qui n’étaient pas dans la file d’attente dans Lynx ont été réglés en temps réel, tandis que les paiements dans la file d’attente ont connu en moyenne un délai de règlement relativement court de 27 minutes.

Graphique 2 : Les paiements sont arrivés plus tôt dans Lynx que dans le STPGV

Constat 3 : Efficience des liquidités

L’une des mesures importantes du rendement du système de paiement est le ratio d’efficience des liquidités, soit la valeur des paiements réglés pour chaque dollar de liquidité utilisé. Un ratio plus élevé signifie une plus grande efficience des liquidités dans le système de paiement. Durant les deux périodes étudiées, le ratio d’efficience des liquidités de Lynx était plus élevé que celui du STPGV (graphique 3). Cette amélioration peut être attribuée aux mécanismes d’économie des liquidités de Lynx et à leur adoption généralisée par les participants (voir Rivadeneyra et Zhang, 2022; Garratt, Lu et Tian, 2023). De plus, la conception de Lynx permet aux participants de centraliser toutes leurs liquidités et leurs paiements au même endroit, contrairement à celle du STPGV, qui les séparait en deux tranches.

Graphique 3 : Lynx offre une meilleure efficience des liquidités que le STPGV

Conclusion

Lynx est un système essentiel au transfert rapide et sûr des paiements de grande valeur entre les institutions financières au Canada. Depuis son lancement, Lynx semble offrir un bon équilibre entre risque de crédit, rapidité de règlement et efficience des liquidités.

En règle générale, l’une des préoccupations avec un système de RBTR est qu’il nécessite plus de liquidités, malgré le fait qu’il règle les paiements en temps réel et qu’il élimine le risque de crédit entre les participants. Les résultats montrent que Lynx fait un usage efficient des liquidités tout en traitant rapidement les paiements dans la file d’attente. La conception solide de ce système et l’étroite collaboration entre Paiements Canada, les autorités et les institutions financières ont contribué à faire de la transition du STPGV à Lynx un succès.

  1. 1. En choisissant octobre comme point de départ de la période de l’échantillon, on exclut le premier mois d’entrée en service de Lynx. Beaucoup de caractéristiques de Lynx, comme le mécanisme d’économie des liquidités, étaient nouvelles pour les institutions financières; elles avaient besoin de temps pour mieux les connaître et s’y adapter. Le premier mois en service de Lynx a été une période de transition et ne se prêtait donc pas à une étude comparative. Garratt, Lu et Tian (2023) étudient comment les institutions financières ont appris et se sont adaptées durant cette période de transition.[]
  2. 2. À noter qu’au cours de cette période, le produit intérieur brut nominal a progressé de 12,5 %. []

Références

Arjani, N. et D. McVanel (2006), « Le Système canadien de transfert de paiements de grande valeur : notions de base », Banque du Canada.

Banque du Canada (2021), « La Banque du Canada fait de Lynx un système de paiement d’importance systémique désigné », communiqué, 1er septembre.

Banque du Canada et Paiements Canada (2022), « Vue d’ensemble de Lynx, le système de paiements de grande valeur du Canada ».

Bech, M. L., Y. Shimizu et P. Wong (2017), « The Quest for Speed in Payments », BIS Quarterly Review, mars, p. 57-68.

Desai, A., Z. Lu, H. Rodrigo, J. Sharples, P. Tian et N. Zhang (2023), « From LVTS to Lynx: Quantitative Assessment of Payment System Transition », document de travail 2023-24, Banque du Canada.

Garratt, R., Z. Lu et P. Tian (2023), « How Banks Create Gridlock to Save Liquidity in Canada’s Large Value Payment System », document de travail 2023-26, Banque du Canada.

Kosse, A., Z. Lu et G. Xerri (2020), « An Economic Perspective on Payments Migration », document de travail 2020-24, Banque du Canada.

Miller, P. et A. Olivares (2020), « La voie rapide pour comprendre les systèmes de paiement », L’Économie claire et simple, Banque du Canada.

Rivadeneyra, F. et N. Zhang (2022), « Payment Coordination and Liquidity Efficiency in the New Canadian Wholesale Payments System », document d’analyse du personnel 2022-3, Banque du Canada.

Avis d’exonération de responsabilité

Les notes analytiques du personnel de la Banque du Canada sont de brefs articles qui portent sur des sujets liés à la situation économique et financière du moment. Rédigées en toute indépendance du Conseil de direction, elles peuvent étayer ou remettre en question les orientations et idées établies. Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs uniquement. Par conséquent, elles ne traduisent pas forcément le point de vue officiel de la Banque du Canada et n’engagent aucunement cette dernière.

DOI : https://doi.org/10.34989/san-2023-14

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